‘’Kamoa-Kakula, pas de la publicité et encore moins de la spéculation. C’est confirmé.’’

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Cape-Town, mardi 7 février 2016. Malgré un agenda très occupé et à la veille de sa présentation sur le Projet Kamoa-Kakula et celui de Kipushi au traditionnel ‘’DRC-Breakfast’’, le plus grand gisement minier de cuivre en République Démocratique du Congo et en Afrique classé parmi les dix plus grands du monde en 2016, l’Ingénieur Louis Watum, Administrateur Directeur Général des Opérations en République Démocratique du Congo (RDC) de Ivahnoe Mines, s’est entretenu à leur Stand d’exposition avec Mining News Magazine. Exclusif.

Ir Louis Watum lors de la présentation de Ivanhoe Mines au DRC-Breakfast à Westin-Hotel à Mining-Indaba 2017 (Photo : FKF Softpress)

Ir Louis Watum, vous êtes Administrateur Directeur Général des Opération en République Démocratique du Congo du groupe canadien Ivanhoe Mines et, point n’est besoin de vous présenter dans un secteur où vous êtes depuis près de trente ans.

Les réserves de vos deux gisements de Kamoa et Kakula à Kolwezi, évaluées à 33 millions de Cuivre, font classer aujourd’hui votre société parmi les dix grands (Top 10) projets miniers au monde, premier en Afrique et au pays, et enfin constituent à ce jour le plus grand gisement à haute teneur dans le monde. Réserves confirmées et certifiées ou spéculation de Robert Friedland pour lever beaucoup d’argent en bourses avant de revendre le projet au plus offrant?

(Sourires) Notre Président n’a pas besoin de faire de la spéculation sur les réserves en déclarant des fausses données. Les réserves sont indépendamment certifiées et confirmées par des experts œuvrant au sein des structures professionnelles jouissant d’une notoriété mondiale telles que Amec Foster Wheeler de Reno au Nevada (Etats Unis) et Wood Mackenzie en Grande Bretagne. Le gisement de Kamoa était déjà une découverte exceptionnelle de taille mondiale qui avait beaucoup étonné les experts mondiaux en géologie, c’est ainsi que les géologues d’Ivanhoe s’étaient vu décerner en 2015 à Toronto le prestigieux prix Thayer Lindsley lors de la Conférence Annuelle de l’Association des Prospecteurs et Développeurs du Canada par un panel rassemblant les sommités mondiales de la géologie. Poussés à mieux comprendre les contours de ce gisement, nos géologues ont entrepris un programme d’exploration visant à étudier l’extension de Kamoa ainsi que ses limites. C’est au cours de l’exécution de ce programme que quelque chose d’encore plus étonnant s’est produit : En effet un autre gisement encore plus grand que Kamoa a été découvert, à seulement 5km au Sud-Ouest de Kamoa, dans la même concession. C’est le gisement Kakula, dont les réserves minérales en cuivre combinées à celles de Kamoa font de ces deux gisements la plus grande découverte de Cuivre en Afrique de tous les temps, et également le plus grand gisement à haute teneur de Cuivre au monde. Ce n’est pas de la publicité, et encore moins de la spéculation. C’est confirmé.

Avez-vous des moyens financiers conséquents, je parle de Ivanhoe Mines, pour le développement du Projet ou vous procéderez comme Lundin et Freeport-McMoran chez TFM en cédant après aux chinois?

Ce n’est un secret pour personne, la Chine est devenue aujourd’hui un acteur de premier plan sur l’échiquier de l’économie mondiale : Elle consomme beaucoup de matières premières pour soutenir son plan de construction et développement, elle possède également d’une capacité indiscutable à financer des grands projets dans le monde entier. C’est ainsi que nous sommes associés au groupe chinois Zijin, leader minier en Chine notamment dans les secteurs du Cuivre et de l’or. Avec cette association nous sommes à même de pouvoir mobiliser les fonds nécessaires pour rapidement boucler les études techniques et de rentabilité nécessaires, puis construire et mettre en route nos opérations.

La Chine est le matelas financier du monde, même pour les Etats-Unis d’Amérique

Il est vrai qu’au cours des 35 dernières années la Chine a connu une ascension fulgurante grâce notamment à une stratégie bien élaborée et exécutée superbement dans laquelle elle a avant tout capitalisé sur ses réalités internes (grande population, main d’œuvre moins chère, influences du confucianisme, régime autocratique sous l’égide du parti communiste) pour en faire un avantage compétitif, puis a ensuite souscrit à grande échelle aux bons de trésor américains. La Chine a ainsi réussi adroitement à forcer les Etats Unis dans un mariage de raison dans lequel un partenaire (la Chine) produit, et l’autre partenaire (les Etats-Unis) consomme, et nul ne peut se permettre de divorcer car les conséquences d’un divorce entre ces deux partenaires aurait des conséquences fâcheuses incalculables sur leurs économies respectives. Dans notre projet Ivanhoe Mines et Zijin détiennent chacune une participation de 39,6 %, tandis que Crystal River Global Limited détient une participation de 0,8 % et le gouvernement de la RDC détient une participation de 20 %.

A quand la première production?

R. Nous sollicitons la patience de nos compatriotes congolais. Nous voulons tous bien entendu aller en production le plus vite possible et subissons une forte pression car les attentes de nos communautés sont très élevées, elles attendent de pied ferme les opportunités d’emploi et d’affaires qui seront créées. Cependant après l’excitation causée à juste titre par les étonnantes découvertes des gisements de Kamoa puis Kakula il faut revenir sur terre et compléter avec sérénité les différentes études techniques et d’évaluations financières qui devront tenir compte de plusieurs scenarios combinant la mise en exploitation de ces deux gisements. Nous nous attelons cette année à achever le programme de forage de Kakula, mettre à jour ses réserves minérales,  compléter le portail d’accès et commencer le creusage des galeries souterraines de Kakula, finaliser les galeries souterraines de Kamoa, finaliser l’évaluation économique de la combinaison Kamoa – Kakula, finaliser la sélection du procédé métallurgique de traitement des minerais provenant des deux gisements, commencer l’étude de faisabilité de Kakula, et faire avancer le projet d’alimentation en énergie. Nous avons donc du pain sur la planche, toutes les étapes citées ci-haut doivent être réalisées pour permettre le passage à la construction des infrastructures de production et enfin la production proprement dite. Nous serons dans une meilleure position d’annoncer avec exactitude la date d’entrée en production un peu plus tard cette année lorsque nous nous serons suffisamment avancés avec les études évoquées ci-haut.

Monsieur l’ADG, quel est le coût estimatif du projet? Et la durée de vie des gisements?

Le Projet va coûter 6 milliards de dollars américains dont 1 milliard pour la première phase. La qualité ainsi que la taille des gisements permettront une exploitation sur une durée au-delà de cent ans de vie.

Apparemment Robert Friedland n’a pas eu peur de l’incident First Quantum Minerals en RDC

Franck, voyez-vous la décision d’investir en RDC est binaire : On y entre à plein pieds ou on n’y entre pas du tout. Ceux qui y viennent avec hésitation en mettant un pied dedans et gardent l’autre pied dehors ‘’le temps d’observer’’ n’y trouveront pas leur compte. Lorsque vous avez pris la décision d’investir en RDC vous devenez comme une femme enceinte : Vous ne pouvez plus reculer, il fallait bien réfléchir avant de tomber enceinte. Il ne vous reste plus qu’à porter votre grossesse avec tous ses aléas jusqu’au bout et accoucher. En d’autres termes lorsque vous avez pris la décision d’investir en RDC après mûre réflexion vous devez malgré les turbulences politiques et économiques développer votre projet jusqu’au bout et le mettre en production.  A chacun ses convictions, objectifs et références.

Ir Louis Watum devant au Stand de Ivanhoe-Mines à Mining Indaba-2017 (Photo : FKF Softpress)

Le Plan de développement Communautaire est-il protocolaire pour respecter une exigence du Code Minier ou vous le voulez grand et différent à la hauteur du projet?

Nous ne sommes pas encore en production mais donnez-vous la peine de visiter  Kamoa pour découvrir comment notre présence transforme positivement les vies de nos compatriotes. Plusieurs villages qui nous entourent sont positivement affectés, le développement durable est mise en évidence au travers du développement de l’agro-pastorale (plus de 1000 Ha de maïs cultivés, production de légumes, volaille, miel, et très bientôt poissons, construction d’écoles, fourniture d’équipements médicaux aux centres de santé), avec priorité mise sur l’encadrement et le renforcement des capacités des femmes qui fournissent aujourd’hui des légumes et de la volaille à la société et à Kolwezi. Nous voulons une nouvelle approche, et sommes privilégiés d’avoir au sein de notre entreprise Dr Guy Muswil qui dirige notre politique de développement durable et joue un rôle de premier plan au sein de la Chambre des Mines en ce qui concerne l’élaboration ainsi que l’adoption et l’implémentation  du Guide adopté sur les pratiques des RSE (Responsabilités Sociales des Entreprises).

Puisque vous parlez de Dr Muswil, quelle est la place des congolais dans la gestion du projet? Seulement au RSE ou vous respectez les lois congolaises sur l’emploi des expatriés?

Non, pas du tout. L’avancement des cadres congolais compétents est dans l’intérêt de l’entreprise ainsi que du pays. En effet, contrairement au cadre expatrié, le cadre congolais investit au pays. La théorie économique enseigne que lorsqu’on recycle l’argent localement l’économie locale s’accroit.  La promotion des nationaux est  donc notre combat à nous tous. Nous ne devons épargner aucun effort pour permettre la mise à niveau ainsi que le renforcement de capacité de notre personnel afin qu’il soit compétitif. Il est bien vrai cependant qu’à ce stade du projet (transition de l’exploration à la construction) nous avons un pourcentage relativement élevé d’expatriés (environ 15 à 20% des effectifs totaux), mais ce pourcentage baissera graduellement au fur et à mesure que les travaux de construction seront complétés. A compétences égales l’emploi doit d’abord revenir aux nationaux.

Pourquoi Ivanhoe et Robert Friedland sont avec Mark Bristow de Randgold et Ivan Glasenberg de Glencore parmi les opposants farouches à la révision de l’actuel Code minier?

Je ne saurais parler à leur place. Quant à moi je tire toujours la sonnette d’alarme lorsque j’entends parler de révision du code minier car au-devant des enjeux il faut une approche prudente de la part des gouvernants. Certes le nationalisme des ressources minérales est aujourd’hui un phénomène universel, et non l’apanage de la RDC seule. Tous les gouvernants du monde d’aujourd’hui, en allant des pays d’Amérique latine aux pays asiatiques en passant par l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Afrique, le moyen Orient etc.) veulent obtenir d’avantage de revenus de l’exploitation de leurs ressources minières et pétrolières. Les communautés locales d’aujourd’hui sont également devenues beaucoup plus sophistiquées, avec des attentes légitimes élevées qu’il faut savoir gérer. Je n’ai rien contre les attentes des gouvernants et des communautés locales, car elles sont légitimes. C’est plutôt dans la manière d’y arriver que j’ai des objections. Par exemple l’investisseur au départ a investi en RDC sur base du régime fiscal ainsi que des garanties que lui offrait le Code Minier en son temps. Changer aujourd’hui les règles du jeu alors que l’investissement a déjà été rendu effectif pose un sérieux problème. Ensuite il est bon de toujours se rappeler que le développement de l’économie d’un pays ne peut pas se baser uniquement sur la maximisation de la collecte des taxes, il devrait plutôt être réalisé au travers d’une stratégie globale comprenant entre autres la diversification des secteurs de production, et pour ce faire il est important de créer et maintenir un cadre incitatif à même d’attirer des grands investissements à la dimension du potentiel dont regorge notre pays. Je reste par ailleurs convaincu que si aujourd’hui nos gouvernants renforçaient suffisamment les capacités de notre administration et assuraient une bonne gouvernance dans la collecte et gestion des recettes du secteur minier sous le Code Minier actuel on verrait un accroissement significatif de recettes dans les caisses du trésor public.

L’autre problème dont on ne parle pas dans le projet du nouveau code minier et qui pour moi est fondamental ce sont les réformes nécessaires qui pourront enfin permettre aux Congolais compétents d’entrer effectivement dans le capital des filières locales des grandes compagnies minières installées en RDC, et y prendre des participations. Cela donnerait un pouvoir économique réel à une nouvelle génération de Congolais et ferait taire le débat sur la sous-traitance étrangère, car ces actionnaires congolais feraient directement partie des structures de prise de décision dans les politiques d’attribution des contrats de sous-traitance pratiquées par les sociétés minières.

Louis Watum chez Randgold avec Kibali était ce rare haut cadre minier en RDC qui communiquait à travers les médias locaux et nationaux pour les soutenir financièrement. Est-il le même à Ivanhoe Mines et Kamoa? Quelle est la place de la presse locale katangaise (Kolwezi, Lubumbashi, Kipushi) qui se meurt aujourd’hui faute d’annonceurs dans le secteur des mines alors qu’elle a produit des grands noms de la presse nationale?

Je comprends votre souci, il est du reste légitime. Soyez rassurés, la presse locale est un partenaire important pour Ivanhoe Mines comme je l’ai dit aux médias locaux de Kolwezi lors de ma séance de communication en Novembre 2016. Au moment opportun J’inviterais les médias à venir visiter Kamoa ainsi que nos projets communautaires avec les villages environnants, et rapporter ce qu’ils observeront. Au niveau de la société, nous communiquerons avec eux trimestriellement pour faire le point des activités et discuter sur les questions de l’heure, nous avons également besoin en toute humilité de recueillir leurs conseils et critiques pour mieux faire. J’ai moi-même vécu plusieurs années de ma vie d’étudiant ici et j’y ai débuté ma carrière dans l’industrie minière il y a près de 30 ans, aujourd’hui je reviens à mes premiers amours avec une forte détermination d’apporter ma contribution au développement de cette partie du pays pour laquelle je ressens un attachement particulier.

Question personnelle. Watum à la Gécamines dans sa splendeur, on le voit à la tête de Randgold (Kibali) dans le Haut-Uélé dans un projet aurifère ambitieux. Watum aujourd’hui à la tête du projet minier d’Ivanhoe Mines classé parmi les Top Ten et premier en Afrique et au pays? Comment vous trouvez-vous au bon endroit et au bon moment?

Question délicate, difficile. Pendant mes années passées en Afrique de l’Ouest où j’ai construit et dirigé une mine d’or des frères maliens m’ont appris un vieux dicton Bambara qui dit ce qui suit : ‘’Le miel ne se dit pas doux’’. Il est donc très difficile de dire du bien de soi-même. Je ne saurai donc vous répondre. Peut-être que Mining News Magazine en sait mieux que moi. La profonde conviction qui m’a toujours animé et qui m’a poussé à revenir au pays après près de 15 années à l’étranger m’a  été inspirée par Nelson Mandela qui a dit un jour ”Lutter contre la pauvreté n’est pas un acte de charité mais un acte de justice. Car la pauvreté, de même que l’esclavage et l’apartheid, ne sont pas des faits naturels. Ils ont été créés par l’esprit humain, il n’y a dès lors que l’esprit humain qui peut les combattre et les éradiquer’’. La lutte contre la pauvreté des nôtres au-devant des richesses inouïes dont regorge notre pays et qui ne profitent qu’aux étrangers, c’est plutôt cela qui m’anime et me motive partout où je me trouve. Servir notre pays, nos compatriotes.

Monsieur l’ADG, sans abuser de votre temps, quel est le message particulier et différent que Ivanhoe veut, que le congolais Louis Watum veut passer ou passe au monde et surtout aux congolais, principalement les katangais, qui ne croient pas du tout dans les grandes compagnies minières depuis la chute des géants étatiques au vu de tout ce qui arrive avec les multinationales?

Notre message à travers votre Groupe de presse est simple, clair et pratique : Au-devant des attentes élevées de toutes les parties prenantes concernant Kamoa, nous voulons travailler ensemble avec tous les partenaires et parties prenantes (Etat, communautés locales, société civile etc.) et construire un partenariat bénéfique à tous,  dans lequel chaque membre devra jouer pleinement son rôle. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons tous ensemble écrire une nouvelle page de l’histoire  qui consistera en un développement durable de Kamoa, Kakula, Kolwezi, Lualaba, et la RDC. Il en est de même pour notre projet de cuivre et zinc à Kipushi.

Entretien réalisé par Franck Fwamba & Parfait Barack

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